
Journalistes et supporters israéliens au Qatar se voient chambrer voire insulter par des Qataris ou d’autres Arabes. Mais est-ce vraiment une surprise ?
Pour beaucoup d’Israéliens, la Coupe du monde de football au Qatar impose un retour à la réalité. Règlement de la Fifa oblige, le petit émirat avait accepté que des citoyens israéliens viennent assister aux matches organisés à Doha, bien que les deux pays n’entretiennent pas de relations diplomatiques officielles. De nombreux vols directs entre Tel-Aviv et Doha ont même été organisés. On estime qu’il devrait y avoir au total environ 10.000 Israéliens à fouler le sol qatari. Mais très vite, les réseaux sociaux et la presse en Israël ont fait état de l’accueil souvent inamical réservé aux supporters et journalistes israéliens par les Qataris et les autres Arabes à Doha. Ce qui semble singulier, au fait, c’est que beaucoup d’Israéliens se soient étonnés de cette réception, qui oscille entre regards hostiles et insultes grossières.
« Viva Falastin ! »
Une collaboratrice arabe du Haaretz donnait l’exemple de son collègue Tal Shorer, de la chaîne de télévision israélienne 13, tweetant avec frustration : « Nous avons reçu plusieurs commentaires de Palestiniens ou de personnes les soutenant qui vivent ici. Parfois, c’était seulement “Viva Falastin” ou quelque chose de similaire, et parfois les gens se tenaient derrière nous pendant que nous faisions des reportages, en scandant “Falastin, Falastin” ». Et la journaliste arabe de lâcher avec une noire ironie : « Il est frustrant que des réfugiés palestiniens et leurs descendants ne soient pas amoureux des personnes qui ont causé leur tragédie personnelle. »
Le quotidien Jerusalem Post rapporte la réaction indignée d’un journaliste du journal Yediot Aharonot : « Au Qatar, j’ai vu à quel point il y avait de la haine chez les gens dans la rue, à quel point ils veulent nous effacer de la terre, à quel point tout ce qui est lié à Israël suscite la haine chez eux. » Il est vrai que les accords dits d’« Abraham » signés sous le règne de Donald Trump par Israël avec les Émirats arabes unis, le Bahrein, le Soudan et le Maroc ont pu induire les Israéliens en erreur. A eux, en effet, de ne jamais oublier, comme le rappelait le spécialiste des affaires palestiniennes de Channel 12, une autre chaîne israélienne, que « les accords d’Abraham étaient des accords de gouvernement à gouvernement, et non de peuple à peuple. Et, il faut le noter, ces gouvernements sont autoritaires à des degrés divers (…) de sorte que leur volonté de faire la paix ne reflète pas nécessairement celle des populations qu’ils dirigent ». Des populations qui, elles, n’oublient pas les souffrances des Palestiniens.
Par Baudouin Loos