Les plus graves de violations des droits de l’homme commises par les forces israéliennes sont sûrement celles qui sont exercées contre les enfants. Les enfants palestiniens de Jérusalem et en Cisjordanie vivent sous la menace du ciblage et de l’arrestation par les forces israéliennes, qui font rarement la distinction entre les mineurs et les adultes qu’ils appréhendent. Ici Silwanic cherche à illustrer la tragédie de l’enfance palestinienne à travers l’histoire racontée par Ghada Aruri, un militant les droits de l’homme parlant du procès d’un garçon du village d’Abu Dis. Israël a commencé la construction du Mur d’Apartheid à Abu Dis, un quartier de Jérusalem, en 2010. Lorsqu’il sera terminé, il coupera entièrement Abu Dis de Jérusalem.

«Le 25 octobre de cette année, j’étais présent au tribunal militaire du camp militaire d’Ofer, à 10km au nord-ouest de Jérusalem, pour la deuxième fois dans le cadre de mon travail en tant qu’officiel de plaidoyer avec War Child International, une ONG néerlandaise. L’accès à la cour comme observateur indépendant est une tâche notoirement difficile, ma demande de permis avait déjà été refusée deux fois. La troisième fois, cependant, j’ai reçu l’autorisation et a ainsi pu assister au procès d’un jeune garçon de 13 ans du nom de Khalid*. Khalid a été accusé d’avoir lancé des cocktails Molotov sur six jeeps de l’armée israélienne dans son village, les dates exactes des infractions supposées ayant été lues à haute voix devant la cour. Les accusations remontent à décembre 2009, lorsque Khalid «a avoué» le crime en échange d’une libération rapide. Ce genre de « deal », conclu entre le prisonnier et le « procureur militaire », est une tactique couramment employée par les interrogateurs israéliens pour obtenir des aveux de leurs sujets.
« Il y avait un éléphant dans la salle au procès de Khalid que personne ne semblait cependant vouloir noter – celui-ci, bien sûr, étant son très jeune âge. Les tribunaux militaires sont par définition réservés aux militants, pas aux enfants. Ce que nous voyons pourtant se dérouler dans le système judiciaire israélien, ce sont les lignes devenant de plus en plus floues entre l’enfant et l’adulte, de nombreux jeunes étant jugés comme des délinquants dangereux. Ce traitement implique la détermination de la peine et des répercussions au-delà des années.
Khalid pleurait déjà en entrant dans la salle d’audience – je dis salle d’audience, mais en fait ce n’était rien de plus que d’une caravane ou une unité mobile, dans le cadre du camp d’Ofer. Lorsqu’il vit sa mère assise dans la cour, il se remit à pleurer, plus encore seulement du fait que malgré leur proximité, ils ne pouvaient pas se serrer la main ou même se toucher. Khalid a appelé sa mère, lui disant qu’il avait été forcé à rester debout dans le froid cette nuit-là depuis deux heures du matin lorsqu’il avait été transféré de sa cellule en attendant son procès. Il avait été battu par des soldats et souffrait en conséquence de douleurs dans les jambes. Le procès s’est terminé de façon abrupte Khalid étant condamné à 70 jours de prison, une peine dont il avait déjà purgé 60. Alors que sa libération était prévue une semaine plus tard, ses parents ont dû payer une amende supplémentaire de 2000 $ (1513 €) pour obtenir sa libération.
Khalid a été libéré depuis et a ensuite été admis à l’hôpital où il a reçu des soins médicaux pour les blessures qu’il a subies à la suite de brutalités durant son incarcération. Les cicatrices émotionnelles vont cependant certainement durer beaucoup plus longtemps.»
mercredi 22 décembre 2010, Silwan, à Jérusalem
(source : SILWANIC)
* Le nom a été changé pour protéger son identité
traduction : Julien Masri