Jérusalem-Est phagocytée par les colons

Bulletin 46

silwanpage-12-13Après avoir massivement colonisé les collines autour de Jérusalem-Est, le gouvernement israélien accentue notablement la pression coloniale au cœur des quartiers palestiniens de la ville occupée.

De Sheikh Jarrah…

À Sheikh Jarrah, au nord de la vieille ville, la justice israélienne a débouté, le 26 septembre 2010, un collectif de résidents palestiniens. Le litige portait sur des revendications de colons qui prétendaient avoir été expulsés du quartier en 1948. De nombreuses familles palestiniennes risquent l’expulsion à tout moment. Aryeh King, l’un des leaders du mouvement de colonisation du quartier, a affirmé que des dizaines d’unités de logement seraient construites sur le site, des logements exclusivement réservés aux colons juifs. Yair Gabai, membre du conseil municipal et président d’une association à vocation coloniale, a préparé les plans d’un vaste centre érigé en plein cœur du quartier en l’honneur des victimes des attentats.

A Silwan

À Silwan, au sud de la vieille ville, la colonisation s’articule autour d’un complexe touristique, la « cité de David », géré par  Elad, un organisme colonial d’extrême droite  sur le site de la Jérusalem cananéenne. L’extension du complexe est prévue au-delà de la vallée et ce, au détriment des habitants du quartier al Bustan. Le prétexte : exhumer les restes des jardins du roi David, censés se trouver sur les pentes de la colline.

Dans le quartier, la pression reste très forte, tant de la part des colons que des gardiens affectés à leur service. Ainsi, fin août, une semaine après la visite des infrastructures coloniales par un groupe de hauts fonctionnaires de l’État, des gardes de colons ont tenté de s’en prendre en pleine nuit au portail d’entrée d’une mosquée que les colons sont obligés de contourner pour se rendre dans une piscine antique en contrebas.

Une même politique de violence et de harcèlement

Plus récemment, un autre garde a abattu en pleine rue un père de famille de 32 ans, Samer Sarhan. Après ce meurtre, des manifestations de colère se sont déroulées à Silwan, avant de s’étendre à d’autres quartiers de Jérusalem-Est occupée comme al-Tour ou Issawiyeh. Là, un bébé est décédé des suites de l’inhalation de gaz lacrymogènes. La veuve de Samer a dû, elle, être hospitalisée pour le même motif. Quant à la mère de cette dernière, elle est décédée le 8 octobre, de complications consécutives à l’explosion de bombes sonores jetées sur elle par les forces israéliennes.

Jihad Sarhan, frère aîné de Samer, ainsi que son neveu, Ahmed Abbasi, sont jusqu’à présent retenus en détention par la police israélienne et les arrestations continuent, visant particulièrement des enfants : le 12 octobre, le petit Omran Mufid Mansour, 8 ans, a été enlevé au domicile familial, à quatre heures du matin, par les forces israéliennes pour interrogatoire, avant d’être relâché quatre heures plus tard. Son frère aîné, Mohamed, 13 ans, a, lui aussi, été arrêté.


Dans la plus parfaite impunité

Plus récemment encore, David Be’eri, le chef d’Elad, se rendant dans la colonie où il réside, a violemment percuté avec son véhicule deux enfants qui tentaient de lui jeter des pierres, à quelques dizaines de mètres du lieu du meurtre de Sarhan. Imran Mansour, 11 ans, souffre d’une blessure à la tête et de fractures à l’épaule et Eyad Gaith, 10 ans, de fractures à la jambe et à la main. Après cette agression, la commission parlementaire pour la protection de l’enfance a saisi l’occasion pour jeter la pierre non pas aux colons provocateurs, à leurs milices ou à la police, mais aux parents des victimes ! Pire encore, le 17 octobre la police est venue arrêter le petit Imran au domicile de ses parents. Le juge l’a placé en résidence surveillée pour 14 jours, infligeant à ses parents une amende de 2000 shekels (400 €). Les parents du petit Eyad ont reçu pour leur fils l’ordre de se présenter au poste de police.

Tant le meurtrier de Samer que David Be’eri, après s’être rendus à la police, ont été libérés sur parole quelques heures après les faits. Quant au meurtrier dont l’identité n’a, à ce jour, pas été révélée, la police a tout simplement validé sa version des événements. Selon lui, il serait tombé dans une embuscade et, voyant sa voiture bloquée, il a dû faire usage de son arme à feu pour faire fuir ses agresseurs. Pourtant, cette version devait être rapidement démentie par une vidéo de l’agression, tournée par un membre du Wadi Hilweh Information Centre et diffusée à la télévision israélienne. En effet, on peut y voir très clairement qu’aucun obstacle ne barrait le passage des voitures et que par conséquent, aucune embuscade n’avait été tendue ce soir-là .

Comme le dit Raafat Talal, un habitant de Silwan, « il est clair que les colons et leurs milices de gardes armés occupent le niveau supérieur de la hiérarchie ici, à Silwan, et que la police israélienne prend ses ordres chez eux. À chaque fois qu’il y a un problème ici, c’est la même histoire : le colon est victime d’agression par un Palestinien, même si le Palestinien a été assassiné de sang-froid. ».

L’impunité dont jouissent les colons et leurs milices, même en cas d’agression par arme à feu ou de meurtre, rend le quotidien des habitants de Silwan extrêmement dangereux. Cette insécurité s’intègre dans la politique de mainmise israélienne sur Jérusalem-Est, qui marginalise autant que possible les Palestiniens et ce, jusque dans la désignation des quartiers.  Ainsi, pour les colons, Sheikh Jarrah est le quartier de Shimon Hatzadik, d’après un ancien rabbin  dont ils croient qu’il est enterré là ; dans les documents de la municipalité, l’appellation « cité de David » remplace souvent le nom de Silwan.

Et revendiquée au plus haut niveau de l’Etat

En marge de la préparation d’une conférence de l’OCDE sur le tourisme, à Jérusalem, Stas Misezhnikov, le ministre israélien du tourisme (du parti d’extrême droite Israël Beitenu), a clairement exprimé les buts de cette politique. Pour lui, cette conférence constitue «un sceau d’approbation vis-à-vis du fait que nous avons un Etat dont la capitale reconnue est Jérusalem ». Le président de l’OCDE a qualifié ces propos d’ « erronés et d’inacceptables ». L’Espagne et le Royaume-Uni ont déjà annoncé qu’ils ne participeraient pas à la conférence. Espérons que d’autres pays leur emboîteront le pas.

Julien Masri

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