La commune bruxelloise, seule municipalité belge francophone jumelée à une entité israélienne, dit espérer que ce gel contribuera à attirer l’attention sur les violations des droits des Palestiniens.
Dans un courrier adressé à l’Association belgo-palestinienne (ABP) ce jeudi 5 septembre, les autorités d’Ixelles ont communiqué pour la première fois sur les raisons qui les ont conduites à geler le 2 juillet dernier l’accord de jumelage qui liait depuis 2012 la commune au conseil régional de Megiddo, en Israël. Depuis plus d’un an et demi, une coalition d’organisations de la société civile belge[1] plaide pour la fin de cet accord, estimant qu’il contribue, à l’instar de tout partenariat institutionnel avec Israël, à normaliser le régime colonial d’apartheid imposé au peuple palestinien.
La commune, précise la lettre signée par le bourgmestre Christos Doulkeridis et l’Échevin des Jumelages et de la Coopération internationale Nabil Messaoudi, a pris cette décision “après avoir constaté que la situation actuelle rendait impossible le principe de mener concrètement la moindre initiative crédible dans le sens du dialogue et de la paix et qu’au contraire le maintien de ce jumelage purement et simplement pouvait être interprété comme une approbation de la politique menée actuellement par l’État d’Israël”. Elle est motivée par “l’ampleur et la durée de la riposte du gouvernement israélien dans la bande de Gaza ; les nombreuses victimes civiles ; les prises de position de la Cour internationale de justice et du Procureur de la Cour pénale internationale ; et la poursuite incessante de la politique de colonisation menée par le gouvernement Netanyahou au mépris du droit international et des droits des Palestiniens.” Le collège annonce ne plus entretenir aucun lien avec Israël et ne pas avoir l’intention d’en établir, et dit espérer “que son initiative participera à soutenir les initiatives internationales visant à attirer l’attention de l’État israélien sur les violations des droits humains engendrées par sa stratégie d’intervention.”
Alors que les Conseils communaux de Liège et de Verviers se sont prononcés les 24 avril et 30 mai 2023 contre tout lien avec Israël (sur le modèle de Barcelone en février 2023, qui avait par conséquent gelé son jumelage avec Tel-Aviv), Ixelles s’y est longtemps refusé. Motif invoqué : la volonté de préserver « la coopération et le dialogue », notamment au regard du jumelage existant depuis 2003 avec la ville de Zababdeh (Cisjordanie). Contactée, la mairie de cette dernière dit pourtant désapprouver le partenariat entre Ixelles et Megiddo, dont rien ne prouve qu’il aurait bénéficié à la localité palestinienne…
Depuis le début du génocide palestinien à Gaza, la pression s’est progressivement intensifiée sur les autorités ixelloises. Un collectif citoyen ad hoc a notamment initié une pétition et organise des manifestations régulières devant la maison communale pour exiger la rupture du jumelage avec Megiddo.
“Nous saluons ce geste fort posé en responsabilité par les autorités communales, tout en regrettant que cette décision ne soit pas pérennisée par un vote en Conseil communal actant d’une rupture explicite de ce jumelage et, sur le modèle des communes de Liège et Verviers, d’un refus de toutes relations avec Israël jusqu’à ce qu’il mette fin aux violations systémiques des droits des Palestiniens ”, déclare Pierre Galand, Président de l’ABP. “Surtout, nous félicitons toutes celles et ceux qui se sont mobilisés à leur niveau pour obtenir ce signal fort de solidarité avec le peuple palestinien”. Dans le cadre de sa campagne pour des zones libres d’apartheid, l’ABP appelle à ce que les futurs conseils communaux issus des élections du 13 octobre prochain s’engagent, notamment, à ne pas entretenir de relations avec les institutions complices des violations des droits des Palestiniens (https://www.apartheidfreezone.be/agir-elus/).
Le Comité national palestinien du mouvement Boycott, Désinvestissement, sanctions (BDS), campagne internationale non violente appelant au boycott d’Israël jusqu’à ce qu’il se plie aux obligations que lui impose le droit international envers les Palestiniens, salue également cette décision. “Face au génocide perpétré par Israël à Gaza contre 2,3 millions de Palestiniens et Palestiniennes, ainsi qu’aux attaques militaires à grande échelle en cours en Cisjordanie illégalement occupée, faire rendre des comptes à Israël est plus que jamais nécessaire pour soutenir la lutte palestinienne visant à démanteler son régime de colonialisme et d’apartheid, vieux de 76 ans. Le mouvement BDS salue toutes celles et ceux qui, à Ixelles, ont fait en sorte que cela se produise et appelle toutes les villes et institutions à mettre fin à toutes les formes de complicité et de maintien du statu quo avec l’État génocidaire d’Israël et ses institutions complices”, déclare Fiona Ben Chekroun, coordinatrice européenne du mouvement BDS.
1]l’ABP, INTAL, la Ligue des Droits Humains, l’Union des progressistes juifs de Belgique (UPJB), l’association israélienne De-Colonizer, Solsoc, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC), Ecolo J et le Mouvement des Jeunes Socialistes avaient notamment interpellé le bourgmestre dans une lettre ouverte le 30 mai 2023.
Légende photo : manifestation à l’appel du collectif citoyen devant la maison communale d’Ixelles, 20 juin 2024. Crédits : ABP