Tandis que les rames toutes neuves du tramway de Jérusalem sillonnent la ville pour une période d’essais, une enquête de terrain auprès des futurs usagers vient raviver la polémique sur ce moyen de transport reliant Jérusalem-Ouest à des colonies israéliennes.
La semaine dernière, des enquêteurs de City Pass Limited -le consortium de cinq compagnies dont Alstom et Connex, filiale de Veolia transport qui gère de nombreux réseaux de transport urbain en France – ont interrogé leurs futurs clients sur les passagers palestiniens :
1. « Les passagers, juifs comme arabes, peuvent monter librement à bord du tramway sans passer de contrôle de sécurité, cela vous dérange-t-il ? »
2. « Le tramway dessert trois stations à Shua’fat [quartier palestinien de Jérusalem-Est ndlr], cela vous dérange-t-il ? »
Vendredi 20 août 2010, le directeur général de la municipalité, Yair Maayan, a réagi en envoyant un courrier au président de la compagnie, Avraham Shohat. Le quotidien israélien Haaretz, cite ses propos : « Nous sommes sidérés d’apprendre qu’une compagnie privée se permet de poser ce genre de questions, qui ne sont en aucune façon liées à ses activités. Ces questions sont de nature raciste et ne font qu’attiser les tensions à Jérusalem. »
Selon Haaretz, City Pass se serait excusé. La société affirme que ce questionnaire n’avait pour objectif que de répondre au mieux aux besoins de ses futurs usagers, sans expliquer pourquoi ce questionnaire semble ne considérer que les futurs usagers juifs comme usagers potentiels. Chez Alstom, contacté à Paris, et à la mission économique de Tel-Aviv, on déclare que l’affaire est passée inaperçue. Cela aurait-il été le cas si City Pass avait demandé à ses futurs usagers palestiniens si le passage par des quartiers juifs les dérangeait ?
Procès en cours contre Veolia et Alstom
La première ligne de tramway, censée ouvrir en avril 2011, a fait l’objet de vives polémiques. Le 17 juillet 2005, Alstom, Veolia, les entreprises israéliennes Polar et Ashtrom et les banques Lemi et Hapoalim signaient un contrat dans le bureau d’Ariel Sharon, pour la construction et l’exploitation de la ligne de tramway.
Cette ligne doit relier Jérusalem-Ouest (israélienne) aux colonies juives de Jérusalem-Est qui font partie du Territoire Palestinien Occupé au titre des résolutions des Nations Unies depuis 1967. L’annexion de la partie orientale de Jérusalem n’a jamais été reconnue par la communauté internationale.
Dans son magazine mensuel, Amnesty International réagit : « Jugeant que le tramway va entériner “des mesures illégales d’annexion et de colonisation adoptées préalablement par le gouvernement israélien”, l’organisation estime que la conclusion de ce contrat soulève des questions de violation du droit international. »
En France, un procès intenté par des associations de soutien à la cause palestinienne est en cours contre Veolia et Alstom, auprès du tribunal de Nanterre. Suite à ce contrat, les deux entreprises françaises dont l’image a été ternie par ce marché ont perdu des marchés à l’étranger, notamment en Suède et en Grande-Bretagne.
Julien Masri, d’après Rue 89