Élections israéliennes – Netanyahou a perdu, mais l’extrême droite a gagné

Bulletin 55, mars 2013

Le 23 janvier, au lendemain des élections israéliennes, vous n’avez certainement pas manqué de vous précipiter sur tous les médias, belges et européens, qui vous tombaient sous la main. Et pour peu que vous n’ayez pas la mémoire des chiffres ou un modèle de comparaison, vous vous êtes dit, ainsi qu’on vous le suggérait, que l’électorat israélien avait remis la balle au centre, désavouant ainsi la politique de colonisation à outrance du gouvernement sortant…

Mais où sont-ils donc allés chercher ça ?

Qu’on en juge… Dans la Knesset (parlement israélien) sortante, le centre – travaillistes, que l’on ne peut décemment classer au centre gauche, et Kadima (En avant), le parti de Tzipi Livni – comptait 41 sièges : 13 pour les travaillistes et 28 pour Kadima. Aujourd’hui (résultats définitifs publiés le 24 janvier par la commission électorale), il n’en compte qu’un de plus : travaillistes 15 ; Yesh Atid (Il y a un avenir) le nouveau parti de Yaïr Lapid, ancien journaliste vedette de la TV, 19 ; Hatnuah (Le mouvement), le nouveau parti de Tzipi Livni 6 et Kadima, dirigé par le faucon Shaul Mofaz, 2 soit 42 au total. Comme raz-de-marée centriste, on fait mieux.

En réalité, Shelly Yachimovich est l’actuelle dirigeante du parti travailliste et l’écrivain Amos Oz estime qu’elle est pire que son prédécesseur, Ehoud Barak, ce qui n’est pas peu dire. En effet, explique-t-il, là où, face à la question palestinienne, Barak disait « Il n’y a pas de solution », Yachimovich, elle, affirme « Il n’y a pas de problème » ! Cela lui a certainement fait perdre des voix de gauche en faveur du parti de centre gauche Meretz (Vigueur), permettant ainsi à celui-ci de passer de 3 à 6 députés. Donc, disais-je, le parti travailliste, Yesh Atid et Hatnuah se sont essentiellement nourris sur la dépouille de Kadima qui a subi une véritable bérézina. D’un centre à l’autre donc, rien de plus.

Autre affirmation péremptoire de nos médias : la droite et Benyamin Netanyahou sont en net recul… Il est vrai que le bloc de la droite extrême et de l’extrême droite, appuyés par les partis ultra-orthodoxes Shas et le parti unifié de la Torah, comptaient 65 députés dans la précédente législature et qu’il n’en comptent plus que 61, soit tout juste la majorité absolue. Il est vrai aussi que le cartel formé par le Likoud de Benyamin Netanyahou et Israel Beitenu (Israël notre maison) d’Avigdor Lieberman qui comptaient précédemment, ensemble, 42 députés (27 pour le Likoud et 15 pour Israel Beitenou) a essuyé une fameuse déculottée et n’en compte plus aujourd’hui que 31 (20 pour Netanyahou et 11 pour Lieberman). Faut-il en conclure pour autant que la droite pure et dure a subi un revers tel qu’il laisserait entrevoir une lueur d’espoir aux Palestiniens ?

Il n’en est malheureusement rien, bien au contraire… La représentation parlementaire actuelle du Likoud, dont certaines figures considérées comme «modérées» ont été évincées lors des primaires du parti, est en effet très clairement passée de la droite extrême à l’extrême droite. Et ce serait aussi sans compter sur le réel succès du parti Bayt Yehudi (La maison juive) de Naftali Bennet qui passe de 3 à 12 sièges. Bayt Yehudi peut être considéré comme le parti des colons idéologiques et son nouveau leader, Naftali Benett, pour lequel «un État palestinien serait un suicide national», prône ouvertement l’annexion pure et simple de la plus grande partie de la Cisjordanie, à savoir la zone C qui se trouve toujours sous contrôle total de l’armée israélienne !

Reste, sur la question israélo-palestinienne, la véritable opposition… À savoir le Meretz avec 6 députés ; le parti communiste post-marxiste Hadash avec 4 députés  et les deux partis arabes israéliens Raam-Taal avec 4 députés et Balad avec 3 députés, soit 17 députés au total.

Il est évidemment trop tôt, au moment où ces lignes sont écrites, pour savoir comment sera composée la future coalition. On a vu que Netanyahou pourrait gouverner avec le seul bloc d’extrême droite appuyé par le Shas et le parti unifié de la Torah puisqu’il disposerait de 61 voix à la Knesset. Ce serait évidemment une majorité fort fragile. Peut-être sera-t-il alors tenté de faire appel à Yaïr Lapid fort de ses 19 députés. Mais ce ne sera pas une mince affaire car le programme de Lapid, qui veut en terminer avec l’exemption de service militaire des religieux orthodoxes, va buter sur le veto absolu des partis religieux. Va-t-il, dans ces conditions, oser tenter l’aventure au risque de «manger son chapeau» dès l’entame de la législature ? L’avenir nous le dira. Mais ce qui est certain, c’est que, quelle que soit la coalition gouvernementale qui verra le jour, elle ne présagera strictement rien de bon pour le peuple palestinien.

 

Henri Wajnblum

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