Une tempête académique a éclaté en Israël contre des propositions de lois, soutenues par le gouvernement de Benyamin Netanyahou, visant à criminaliser une poignée de professeurs israéliens qui soutiennent ouvertement une campagne contre la poursuite de l’occupation de la Cisjordanie.
La campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël a gagné un soutien international rapide depuis que les troupes israéliennes ont pris d’assaut une flottille de navires d’aide pour Gaza en mai, tuant neuf militants. L’attention israélienne s’est concentrée sur le petit nombre de militants, en particulier dans les universités du pays, qui ont ouvertement soutenu un boycott académique des institutions israéliennes.
Une pétition de protestation a été signée par 500 universitaires, dont deux anciens ministres de l’éducation, à la suite des commentaires récents du ministre de l’éducation d’Israël, Gideon Saar, selon lesquels le gouvernement entend prendre des mesures contre les partisans du boycott. Un projet de loi introduit au Parlement israélien – la Knesset – mettrait hors la loi le boycott et sanctionnerait ses partisans. Les personnes qui ont initié, encouragé ou soutenu ou diffusé des informations pour tout boycott ou désinvestissement devraient payer des dommages-intérêts aux les entreprises concernées. Les ressortissants étrangers impliqués dans des activités de boycott seraient interdit d’entrer en Israël pour 10 ans et toute « entité étatique étrangère » engagée dans une telle activité serait redevable de dommages et intérêts.
Sarr a qualifié la semaine dernière la pétition d’hystérique et de tentative pour réduire au silence les opinions contraires. Bien que la grande majorité des signataires ne soutiennent pas le boycott universitaire d’Israël, ils ont uni leurs forces contre ce qu’ils considèrent comme la dernière attaque contre la liberté d’expression en Israël. La pétition déclare : « Nous avons des opinions différentes et variées au sujet de la façon de résoudre les problèmes difficiles pour Israël, mais il y a une chose sur laquelle nous sommes d’accord – la liberté d’expression et la liberté académique sont le fondement même du système universitaire. »
Daniel Gutwein, professeur d’histoire à l’Université de Haïfa, l’un des signataires, a décrit l’intervention du ministre comme une tentative de « rendre docile le monde universitaire israélien », par la peur et le silence.
Bien que la campagne BDS – sous des formes diverses – a fonctionné pendant plus de la moitié d’une décennie, elle est devenue un enjeu de plus en plus lourd à l’intérieur d’Israël l’année dernière car un petit nombre d’universitaires a déclaré publiquement son soutien au boycott, y compris Neve Gordon, auteur de Israel’s Occupation et ancien parachutiste grièvement blessé alors qu’il servait avec les Force de défense israéliennes.
Prenant la parole sur the Observer la semaine dernière, Gordon a déclaré que de nombreux Israéliens considèrent l’appui à BDS comme « franchir la ligne rouge ». Ajoutant qu’il avait reçu des menaces de mort récente, il a dit : « Je suis inquiet de ce qui se passe dans l’espace du débat en Israël. Je trouve qu’il y a une mentalité proto-fasciste en développement. L’un des slogans que vous entendez beaucoup maintenant est « pas de citoyenneté sans loyauté ». Il s’agit d’une inversion de l’idée républicaine que l’État doit être loyal envers le citoyen. »
Les militants israéliens croient que l’incident de la flottille pour Gaza représente un point de basculement pour mobiliser l’appui au boycott. Des musiciens dont Elvis Costello, Gil Scott Heron et les Pixies ont annulé leurs spectacles en Israël. Des acteurs d’Hollywood ont aussi snobé le festival international du film de Jérusalem et à l’étranger des écrivains réputés ont soutenu le mouvement BDS, qui gagne le soutien de dizaines de pays.
« C’est un monde différent de ce qu’il était encore il y a un mois», explique Kobi Snitz, membre d’un groupe israélien BDS. « Tout à coup, toutes sortes de gens le soutiennent – les personnes que vous n’attendiez pas. »
Ce qui est plus intéressant, cependant, c’est l’impact en Israël même. Le journaliste israélien et blogueur Noam Sheizaf écrivait récemment que de telles actions vont maintenant forcer les Israéliens à « réfléchir sur les questions politiques et leurs conséquences… Pour un pays dans un état constant de refus en ce qui concerne l’occupation, ce n’est pas rien. » Sheizaf ne milite pas pour le boycott, mais il dit : « Je serai heureux de rendre des billets de concert, si c’était le prix pour faire comprendre aux Israéliens que l’occupation ne peut pas continuer. »
Adi Oz, éditorialiste de culture sur l’hebdomadaire de Tel-Aviv Ha’Ir, est apparu à la radio nationale israélienne expliquant son soutien à l’activité de boycott des dernières années. « Quand les Pixies ont annulé leur concert ici, j’ai été déçue », dit-elle. « Mais je ne critiquais pas les Pixies, je critiquais notre gouvernement, parce qu’ils sont responsables de l’isolement d’Israël. » Elle ajoute que, après flottille, le boycott culturel est « quelque chose sur lequel tout le monde a un avis – et certaines personnes se rendent compte qu’ils sont en faveur de celui-ci, sans y avoir pensé avant. » Il y a également eu une série de discussions liées au boycott dans la presse financière. Le quotidien d’affaires Calcalist a diffusé une image critique des militants israéliens qui animant Who profits, une base de données en ligne des entreprises israéliennes et internationales impliquées dans l’occupation de la Cisjordanie.
Le coordinateur de projet, Dalit Baum, de la Coalition des Femmes pour la Paix, a déclaré: « Chaque jour, il y a un article sur cette question dans les médias israéliens, ce qui crée une discussion sur l’économie de l’occupation et soulève le fait qu’il y a un problème. »
Rachel Shabi à Jérusalem et Peter Beaumont
dimanche 11 juillet 2010
source : the Guardian