Plus de 150 archéologues et historiens israéliens ont adressé une pétition au parlement israélien pour voter contre un amendement à un projet de loi qui privatiserait les parcs nationaux, y compris les sites archéologiques et historiques. La pétition, remise aux ministres de la culture et de l’environnement, dénonce le fait que les changements à la loi, s’ils sont adoptés, alimentera des intérêts politiques, portera atteint aux communautés minoritaires et de sapera l’impartialité de la recherche scientifique. « Nous exigeons du gouvernement qu’il ne change pas les lois … et renforce au contraire la liberté académique et le patrimoine, sans préférence sectaires », dit la pétition. L’Union pour la Défense de l’environnement et la Société pour la Protection de la Nature en Israël sont également opposés à cet amendement.
Le projet de loi, censé être voté en octobre, a été proposé à la suite des protestations contre la gestion de la Cité de David, l’un des parcs archéologiques israéliens les plus populaires, quoique politiquement chargé, parrainé et géré par une fondation privée.
Se fondant sur les écrits de l’historien romain Flavius Josèphe et sur la Bible, les archéologues ont cherché depuis le XIXe siècle pour trouver des indices concernant l’ancienne Jérusalem dans le quartier de Silwan, juste au sud de la Vieille Ville. Ils ont appelé le site la Cité de David, se fondant sur les descriptions bibliques, la source d’eau s’appelant en hébreu dans les textes bibliques Siloé, en arabe Silwan. Les premières fouilles, dirigées par des archéologues sous contrôle ottoman, ont découvert que Jérusalem remontait au moins au XVIIIe siècle avant notre ère, développée par les Cananéens. Les archéologues ont depuis trouvé des strates complexes de plus d’une douzaine de périodes et des preuves de l’établissement d’un grand nombre de cultures. Au début du XXe siècle, les habitants étaient principalement musulmans, vivant en paix avec environ 100 familles juives yéménites.

Aujourd’hui, Silwan/Cité de David est une poudrière, parfois désigné comme étant symbolique de ce conflit local. Les plus de 35.000 habitants de ce quartier disputé de Jérusalem-Est, principalement des habitants arabes pauvres, vivent au milieu d’un riche parc archéologique. La Fondation privée Elad, qui gère le site, a investi des millions de dollars pour financer des fouilles de l’autorité israélienne des antiquités et exécuter des visites et des expositions archéologiques qui mettent particulièrement l’accent sur l’histoire juive et biblique des périodes d’occupation judéenne et israélite.
Le professeur d’archéologie Raphael Greenberg, de l’Université de Tel Aviv, qui a fouillé le site ces dernières années, dit qu’il y a l’histoire palestinienne, juive et d’autres sous le sol et les droits palestiniens et juifs au-dessus du sol, et que la reconnaissance de ceci par les deux parties est un élément fondamental à toute réconciliation. » En attendant, dit-il, « tant qu’Israël contrôle Silwan, il doit se retenir, ainsi que ces groupes qui voudraient utiliser une vue unidimensionnelle du passé afin de continuer la rhétorique de la privation des droits civiques et du déplacements des Palestiniens dans le présent. »
Le mandat d’Elad qui va au-delà de l’archéologie, comprend «la revitalisation» des colonies juives de la Cité de David, a également conduit à l’acquisition de plusieurs dizaines de maisons pour des familles juives. Des affrontements occasionnels avec les nouveaux résidents juifs et leurs gardes armés ont abouti à des arrestations de manifestants palestiniens et au tir mortel l’année dernière contre un adolescent palestinien du quartier. Les autorités du village soutiennent également que la rue principale et plusieurs maisons ont subi des dommages à cause du creusement de tunnels et que des plans pour démolir les maisons et les embouteillages massifs en raison des plus de 300.000 touristes par an sont les résultats d’une planification qui favorise le site touristique aux dépens des résidents.
Israël a toujours donné la permission aux instituts indépendants enregistrés, comme les instituts d’archéologie d’universités internationales, de creuser, d’analyser des artefacts, et de publier leurs résultats, avec une licence de l’Autorité israélienne des antiquités (IAA) ou de l’Association des Parcs Nationaux. Des sociétés de développement indépendantes ont aussi géré des sites historiques, comme à Césarée. Mais Elad est la première organisation privée en Israël qui finance et supervise un site antique dans un quartier résidentiel populaire arabe, tout en poursuivant une mission idéologique de colonisation par des résidents juifs dans le cadre de la connexion et la promotion d’une époque historique particulière.
Les archéologues dénoncent le fait que l’IAA autorise cela parce qu’ils ont besoin du financement d’Elad et que le projet de loi, s’il est adopté, va officialiser l’arrangement. « Ceci est le cas le plus scandaleux d’un groupe politique dirigeant un site archéologique et une étude de cas pour l’archéologie en conflit avec les communautés », explique l’archéologue Yonatan Mizrahi, qui a quitté l’IAA pour fonder Emek Shaveh, l’organisation d’archéologie alternative qui a parrainé la pétition. « Quand vous apportez des sites patrimoniaux à des organisations politiques vous leur donner un pouvoir politique – les archéologues devraient être ouverts d’esprit regardant les strates archéologiques à préserver et à montrer au public et quel type de coopération à avoir avec le public environnant », dit-il.
Un certain nombre d’organisations israéliennes de défense des droits civils, y compris les Rabbins pour les Droits de l’Homme, la Paix Maintenant, Ir Amim et l’Association pour les droits civils en Israël, ont également protesté contre Elad.
Elad rejette la critique de ceux-ci prétendant qu’elle serait biaisée, arguant que lors d’une tournée de trois heures, il n’est pas possible de représenter toutes les périodes et « comme dans tous les autres sites à travers le monde, les premières périodes ont été choisies … tandis que Jérusalem a été habitée par de nombreux peuples différents, le temps où Jérusalem est devenue un centre de vie pour les habitants de la région fut pendant les périodes cananéenne et israélite (1850 avant notre ère-70 de notre ère) », a déclaré Doron Spielman, directeur d’Elad. Il a également déclaré que les accusations Selon lesquels Elad a un agenda politique sont « une tentative pour saper découvertes archéologiques et apporter un soutien à des allégations non fondées selon lesquelles le peuple juif est un nouveau venu dans cette région ».
Elad a embauché des travailleurs de Silwan, dans ce qu’elle appelle des efforts vers de bonnes relations, mais Spielman dit que « les éléments radicaux … paradant sous le couvert des droits de l’homme » on contraint 100 travailleurs arabes à cesser de travailler. L’IAA a refusé de commenter.
Les archéologues ont souvent ici débattu du rôle du nationalisme et de la religion dans l’archéologie. Dans les premières années de l’Etat, la plupart des archéologues locaux étaient principalement intéressés à prouver récits bibliques et à rechercher des racines juives. Les communautés religieuses sont opposés aux fouilles des zones qui comportent des restes humains et, après des années de conflit sur l’approche des sépultures et la loi religieuse, le procureur général d’Israël a déclaré en 1997, contrairement aux autorités des antiquités dans le monde entier – que les os ne sont pas des antiquités et doivent être remis aux autorités religieuses pour enterrement. Dans la dernière décennie, le chef de l’AAI, Benjamin Kedar, a reconnu qu’Israël n’avait pas assez d’archéologues experts dans les périodes islamiques et a essayé de redynamiser les académies pour élargir leurs champs d’étude.
Maintenant, alors que les pétitions des archéologues, des écologistes et des groupes de droits de l’homme cherchent à tuer le projet de privatisation, les archéologues s’opposent également à une proposition d’amendement à la loi sur l’Autorité Israélienne des Antiquités qui permettrait la nomination d’un président du conseil d’administration de l’IAA qui ne serait pas un membre de l’Académie nationale des sciences. Les chefs de quatre des cinq départements d’archéologie des grandes universités – l’Université hébraïque de Jérusalem, l’université de Tel Aviv, l’Université de Haïfa et l’Université Ben Gourion dans le Néguev, ont également envoyé une lettre d’opposition à la ministre de la Culture, Limor Livnat, contre l’amendement. Livnat a dit que tous les candidats qualifiés devraient être admissibles à la tête du conseil d’administration IAA, lorsque Kedar quittera son poste. Mais les archéologues privés soutiennent qu’un président, choisi par l’Académie des sciences sera scientifiquement plus indépendant et n’aura pas de comptes à rendre à la politique du ministre qui l’aura nommé.
Lauren Gelfond Feldinger
Jeudi 6 octobre 2011
source : The Art Newspaper
traduction : Julien Masri