En Israël, le racisme s’exprime de la manière la plus décomplexée qui soit dans le milieu associatif. Des associations comme Yad Leahim œuvrent quotidiennement auprès des jeunes filles juives vivant dans des villages arabes, développant les stéréotypes les plus caricaturaux à propos des jeunes hommes arabes. Ainsi, les jeunes filles seraient généralement très vulnérables, séduites par les cadeaux et les belles paroles de leur « prince charmant » qui se transformerait très vite, une fois prises au piège, en menaces et en sévices auxquels elles ne pourraient plus échapper !
Pour ces associations, il existe un autre « problème » tout aussi préoccupant : celui de l’assimilation, contre lequel lutte l’association Lehava, instigatrice de la manifestation qui a eu lieu à Bat Yam il y a deux semaines. Les protestataires avaient alors dénoncé l’existence de couples mixtes et avaient réclamé que la ville reste « juive ».
C’est pour mettre en garde contre ces « dangers » que 27 épouses de rabbins ont décidé de publier une lettre ouverte dans laquelle elles recommandent aux jeunes juives d’éviter à tout prix de fréquenter des Arabes, ou des non-juifs de façon plus générale. Parmi les signataires de cette lettre, on trouve l’une des belles-filles du Rav Ovadia Yossef, la Rabbanit Esther Lior, épouse du Rav de Kiriat Arba-Hébron Dov Lior, et la Rabbanit Shoulamit Melamed, femme du Rav de Bet El Barouch Zalman Melamed.
Racisme caricatural
Dans la missive, elles soulignent notamment : « De nombreux ouvriers arabes prennent un nom juif : c’est ainsi que Youssouf devient Yossi, Samir se fait appeler Sami et Abed devient Ami. Ils recherchent votre proximité, tentent de trouver grâce à vos yeux, mais il faut savoir qu’il ne s’agit que d’un comportement provisoire. Il changera dès que vous serez entre leurs mains, dans un de leurs villages, sous leur contrôle. A ce moment là, votre vie ne sera plus jamais la même, vous subirez des insultes, des coups et des humiliations ». Elles ont ensuite clairement déclaré : « Ne sortez pas avec des non-juifs, ne travaillez pas dans des endroits où il s’en trouve ».
Cette lettre suscite déjà des commentaires dans la presse. Son instigatrice, Anat Gopstein, directrice de Lehava, a curieusement tenu à préciser qu’elle n’avait aucune connotation raciste ! Interviewée par Galei Tsahal, la radio de l’armée, elle a souligné que ces mises en garde étaient nécessaires dans la situation actuelle. « Il y a quelques années, nous n’aurions pas eu besoin de publier une telle lettre mais aujourd’hui, il faut réagir contre les tentatives visant à estomper l’identité juive dans le pays en prônant l’existence d’un Etat pour tous les citoyens ». Parlant ensuite de « Intifada silencieuse », elle a ajouté : « Le fait est connu. Des jeunes filles qui sortent avec des Arabes sont ensuite battues, elles sont alors en danger, leur état se détériore et elles deviennent parfois des délinquantes. Il s’agit d’un phénomène social préoccupant mais tout le monde préfère l’ignorer ».
Racisme dans les écoles
Dans la même veine mais à destination d’un autre public, un directeur d’école de la ville de Jaffa interdit aux élèves de converser en arabe au sein de l’établissement scolaire. La décision a suscité la réprobation de parents d’élèves qui ont manifesté devant la porte de l’école. Le directeur a justifié sa décision en affirmant que « parler en arabe est un manque de politesse ». Il se trouve que 45% des élèves fréquentant cet établissement sont arabes…
De la banalité du racisme en Israël
Selon un sondage de l’Université hébraïque publié mardi 28 décembre 2010, près de la moitié des Israéliens juifs (44%) approuvent un récent appel à ne pas louer d’appartements à des membres de la minorité arabe, contre 48% qui le réprouvent.
En outre, 40% des Israéliens juifs approuvent une loi qui autoriserait les petites collectivités à refuser l’installation de nouveaux venus en raison de leur différence sociale, nationale ou économique, tandis que 48% sont opposés à cette éventuelle loi, selon l’étude.
Cette enquête a été menée à la suite d’un appel lancé le 7 décembre par des dizaines de rabbins israéliens à refuser de louer ou vendre des logements à des non-juifs, alors que des propositions de loi visant les citoyens palestiniens sont en cours d’élaboration (installation de nouveaux venus, serment d’allégeance, interdiction du port du voile dans les lieux publics, etc.).
L’appel des rabbins a provoqué un tollé des plus hautes autorités de l’Etat mais bien évidemment aucune sanction. Ceux qu’on appelle les Arabes israéliens sont les descendants des 160.000 Palestiniens restés après la création d’Israël en 1948. Aujourd’hui, ils sont plus d’1,2 million et représentent 20% de la population totale. Ils sont en butte à de nombreuses discriminations, en particulier en matière d’emploi et de logement dans des localités juives.
Le chef du judaïsme réformé en Israël, le rabbin Gilad Kariv, a sévèrement critiqué la lettre des épouses de rabbins, déclarant que « la société israélienne sombre dans un profond trou noir de racisme et de xénophobie. » Il a également condamné énergiquement l’appel des rabbins qui ont signé la décision d’interdire la location de maisons aux Arabes.
Julien Masri
Sources : 7 sur 7, Guysen news, Israël7, Haaretz