Contes de Baten el-Hawa – Première partie

Il y a eu de nouvelles arrestations à Baten El-Hawa, un quartier situé au cœur du village de Silwan. Sur notre chemin vers la maison des familles de trois garçons récemment emprisonnés, nous avons rencontré des troupeaux de jeunes dans les rues, racontant des histoires de « rencontres israéliennes » qui sont maintenant tout simplement trop familières. Des rappels du rôle des autorités israéliennes dans l’entreprise de colonisation ne sont jamais loin à Silwan – et ces engagements sont toujours remplis au détriment des Palestiniens.

Jeep à Baten al Hawa
Jeep à Baten al Hawa

Dans les ruelles étroites de Baten el-Hawa, une fillette de 10 ans joue avec ses frères et sœurs plus jeunes, entourés par les déchets éparpillés dans la rue. Ces ruelles n’ont même pas un trottoir pour piétons sur lequel marcher – ou sur lequel les enfants peuvent jouer loin du danger de la circulation. C’est un spectacle familier à Silwan, dont les rues sont le seul espace disponible pour que les enfants passent leur temps après l’école. La jeune fille que nous rencontrons nous dit qu’elle et ses frères et sœurs fréquentent une école en dehors du quartier et s’y rendent chaque jour à pied.

Nous continuons notre promenade vers la maison de la famille Al-Rajabi, pour rencontrer les frères Louay (14 ans) et Suhaib (15 ans), eux-mêmes arrêtés par les Israéliens la semaine dernière, le 31 août avec un troisième garçon du coin, âgé de 15 ans . Près de la maison se trouvent deux bâtiments occupés par des colons, la construction illégale de « Beit Yonatan » et l’annexe « Maison de miel ». Dans un quartier aussi dense que Baten El-Hawa, où les rues représentent un foyer pour l’importante population de jeunes, les colonies de peuplement constituent une source perpétuelle de dangereuse provocation et de harcèlement. Alors que le budget de l’Etat d’Israël lui permet d’allouer des sommes considérables pour la « sécurité » de ces colonies, les besoins fondamentaux des Palestiniens de Baten el-Hawa sont oubliés, y compris (mais sans s’y limiter) des centres sociaux, des terrains de jeux pour enfants et un service de collecte des déchets.

Nous arrivons à la maison al-Rajabi, où Louay, 14 ans, nous apprend que l’armée israélienne a pris d’assaut la maison familiale à l’aube, mardi. Le raid a été effectué pour accomplir un ordre de convocation des deux garçons au poste de police, le matin même. Ils ont été détenus sur des soupçons d’implication dans les derniers affrontements qui ont frappé Silwan, le 26 août. Selon Louay, « cette nuit-là nous battions le tambour, à l’occasion de l’appel au repas de l’aube (le traditionnel repas pris pendant le Ramadan avant le lever du soleil). Le même officier qui allait plus tard nous arrêter nous a vus ce soir-là, sachant que nous étions loin du théâtre des affrontements. Il nous a même rejoint avec notre tambour. »

Louay nous a dit qu’il avait été arrêté plus de dix fois auparavant et avait subi des mauvais traitements pendant sa détention par les Israéliens. Il a raconté des souvenirs d’insultes, de hurlement et de coups. La semaine dernière, il a été détenu avec les deux autres garçons pendant deux jours, avant qu’un magistrat de la Cour israélienne de justice n’ordonne que la période soit prolongée pour une troisième journée afin de terminer l’enquête. Lors de la dernière journée, les enquêteurs ont conclu que les enfants n’avaient pas participé aux événements du 26 août et ont ensuite été libérés.

soldat à Baten al Hawa
soldat à Baten al Hawa

Lorsqu’on l’interroge sur son expérience de détention, Louay déclare que « non, je n’avais pas peur – mais je me sentais très loin de ma famille. » Avec un sourire, il ajouta: « Je pensais aussi que mes amis étaient dehors en train de jouer, alors que j’étais coincé dans ici, arrêté. »

Au milieu de notre conversation avec Louay, un petit enfant interrompt le dialogue, en criant : « les soldats sont venus ! » Par la fenêtre, nous voyons deux soldats, vêtus de casques et de tenues de combat patrouillant dans les rues autour de l’avant-poste. La mère nous dit que c’est une réalité quotidienne, en disant : « j’ai trop peur de laisser mes enfants dans la rue après l’école. Je ne peux pas les laisser là, notre quartier est tout simplement trop dangereux. Hier je suis allée sortir les poubelles et un soldat a levé sa matraque vers mon visage et m’a maudite. J’avais mon enfant avec moi – il m’a maudite avec des mots terribles, juste en face de mon bébé. »

Zuhair al-Rajabi (38 ans) se joint à la conversation, se souvenant d’un incident remontant à 2003. « J’ai été arrêté en 2003 par les Israéliens. Sept soldats ont forcé la maison à 5h du matin, m’ont arrêté sans raison. La panique a balayé la zone, les voisins se sont précipités chez nous pour voir ce qui n’allait pas, mais les soldats ont lancé des grenades de gaz lacrymogène en vrac et tiré des coups de feu pour les empêcher d’approcher. Au cours des affrontements, ils ont tiré sur mon frère – tout cela devant ma femme et mes enfants. J’ai été emmené au poste de police par la force. Quand je suis arrivé au poste, l’agent m’a dit que l’arrestation dans son ensemble était une erreur. En fait, il lui a présenté ses excuses – après tout cela ! » Zuhair ne savait pas alors que son père était mort ce matin, suite à l’invasion, après avoir inhalé une quantité mortelle de gaz lacrymogène. Son frère a subi un grave préjudice à la suite de la blessure par balle qu’il a reçue lors de l’attaque.

Le choc a grièvement traumatisé tous les membres de la famille. Alors que la famille a déposé une plainte officielle devant les tribunaux israéliens contre la police de Jérusalem, l’affaire a été maintenue au point mort depuis son ouverture, en 2003 et ne semble pas en voie d’être résolue.

Nous savions que les souvenirs racontés ce jour-là ne sont que l’exemple d’une seule famille de Baten el-Hawa. Avec l’heure de l’iftar (le repas pris au coucher du soleil pour rompre le jeûne du Ramadan) qui approchait et le jour qui touchait à sa fin, nous avons quitté la maison Rajabi, déterminés à revenir pour entendre ces histoires indicibles de la communauté de Baten el-Hawa.

mercredi 8 septembre, 2010

Source : silwanic

Traduction : Julien Masri

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