bulletin n°91 : conseils de lecture

Naïm Khader (1981-2021), Robert Verdussen, Samsa Éditions, 2021.

Les éditions Samsa ont eu l’excellente idée de rééditer cette biographie que le journaliste Robert Verdussen avait publiée voici vingt ans. C’était indispensable, notamment pour les nouvelles générations pour lesquelles, peut-être, le nom de Naïm Khader n’évoque plus rien.

Le 1er juin 1981, à Ixelles, Naïm Khader, le représentant de l’OLP en Belgique, est assassiné, comme tant d’autres membres de l’OLP dans d’autres capitales européennes. Outre un grand chagrin pour celles et ceux qui le connaissaient, ce fut une catastrophe irréparable pour la cause palestinienne qu’il avait, dix ans durant, défendue dans tant de milieux avec une intelligence et un charisme unanimement reconnus.

Il faut se rappeler qu’on venait de loin : quelques années plus tôt, lors de la Guerre de juin 67, l’opinion publique belge, très majoritairement, soutenait Israël. Le mythe « David contre Goliath » régnait partout. En dix ans, de 1971 à 1981, Naïm Khader va changer la donne. Inlassablement, intervenant partout, tant lors de petites réunions dans des villages que dans des entretiens politiques de haut niveau, sans jamais élever la voix, mais sans crainte d’affronter des contradicteurs, il gagne le respect et contribue à créer en Belgique un large réseau de sympathie pour sa chère Palestine.

En 1981, tout le monde comprend qu’il va poursuivre ce travail en France, où il compte déjà beaucoup d’amis, à commencer par Claude Cheysson, le nouveau ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand. C’est pourquoi, avec le recul, son assassinat apparaît inéluctable.

Tu as quatre fils, maman …

Naïm Khader est bien conscient des menaces qui pèsent sur lui. Lors de sa dernière rencontre avec sa mère, qui s’inquiète des risques qu’il court, il a cette phrase extraordinaire : Tu as quatre fils, maman. Tu peux en donner un pour la Palestine.

Naïm Khader vient d’un milieu modeste d’agriculteurs. Ce sont des Palestiniens chrétiens. Comme son frère après lui, il fait des études au séminaire de Beit Jala, qui assure aux élèves des familles pauvres, outre l’enseignement, le logement et la nourriture. La hiérarchie de l’église voit bientôt en ce brillant élève le futur patriarche de Jérusalem.

Mais, dès son arrivée à l’université de Louvain, Naïm Khader choisit le droit et donc l’action politique. Formidablement soutenu par Bernadette, son épouse belge, il ne déviera plus de sa ligne : l’objectif de l’OLP, c’est-à-dire la libération de la Palestine.

Le livre décrit avec bonheur ses premiers contacts en tant que militant palestinien assumé, qui commencent logiquement par les chrétiens tiers-mondistes qu’il avait côtoyés à Louvain. Dans ce livre, une attention particulière est accordée à sa participation à « La Revue nouvelle » et au rôle que cette revue a joué dans l’éveil de la Belgique à la question palestinienne.

Un chapitre est également consacré à son amitié chaleureuse avec Marcel Liebman, figure emblématique de la minorité juive antisioniste.

Naïm Khader a ouvert de nouvelles voies à la diplomatie palestinienne. Le livre a aussi le mérite de nous rappeler certaines déclarations européennes de l’époque, vues à juste titre comme, pour une part importante, le fruit de son travail. Des déclarations, notamment celle du Conseil européen de Venise, en 1980, dont la lecture souligne, en creux, le recul de l’Union européenne sur la question palestinienne par rapport à l’Europe des Neuf.

De la cause palestinienne, Naïm Khader fut à la fois l’interprète, l’avocat, le héraut, avant d’en devenir le héros.

Comme le souligne Mgr Michel Sabbah,dans sa préface : le peuple qui a donné Naïm Khader est un peuple qui ne mourra pas.

Lettre à mon frère Naïm, Bichara Khader, Samsa Éditions, 2021.

Publiée en même temps que la réédition du livre de Robert Verdussen, cette Lettre, adressée à Naïm Khader par son frère cadet, reprend les événements les plus marquants depuis le funeste 1er juin 1981. Oui, quarante ans plus tard, la Nakba est maintenant permanente : la Palestine est enchaînée, assiégée, martyrisée, humiliée, dépecée.

Il relève en particulier l’absence de consensus européen, qui mène à l’incohérence. D’une part, la déclaration de Bruxelles du 8 décembre 2009 refuse l’annexion de Jérusalem-Est et déclare « le Mur de séparation, la démolition des maisons palestiniennes et l’expulsion sont illégaux selon le droit international. » Mais, quand est proposé, quelques mois plus tard, d’octroyer à la Palestine le statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies, « quatorze pays européens ont voté pour, y compris notre chère Belgique, treize se sont abstenus et la République tchèque a voté contre. »

Cependant, la petite rose de solidarité que tu as plantée avec amour en Belgique est devenue un rosier vigoureux et éclatant. (…)

Repose en paix, mon cher frère.

Les deux livres sont enrichis de nombreuses photos.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top