Quand Spotify censure un hymne à la cause palestinienne

En mai dernier, la plateforme de streaming a provoqué un tollé en supprimant la très célèbre chanson « Dammi falastini » (mon sang est palestinien). Alors qu’elle s’en défend, l’auteur de la chanson, Mohammed Assaf, affirme avoir reçu d’elle un mail l’informant que sa suppression était due à ce qu’elle contenait des paroles antisémites.

Par Manon Marée

La fierté des siens

En 2013, ce jeune Gazaoui remporte le télécrochet Arab Idol. Il devient alors une grande star et fait l’objet d’une énorme fierté parmi les Palestiniens, émus de voir un des leurs remporter une émission diffusée dans tout le monde arabe. Les thèmes lyriques du jeune chanteur évoquent l’amour, son pays et la beauté de celui-ci. Devenu une icône, il écrit des chants patriotiques palestiniens mais évite les sujets de la lutte et de la guerre, estimant que son art sert justement à s’évader d’un quotidien difficile.

L’antisémitisme selon Spotify…

En mai, des internautes s’étonnent de ne plus trouver la chanson « Dammi falastini », devenue un véritable hymne à la cause palestinienne sur les plateformes. Spotify assure que ce n’est pas sa décision mais celle du distributeur de la chanson, et qu’il arrive que la disponibilité de certaines chansons varie dans le temps et selon le pays. Le distributeur réfute ces accusations, en ajoutant que « c’est ridicule ». De son côté, Mohammed Assaf affirme avoir reçu un courrier de Spotify lui spécifiant que la suppression de la chanson était due à des accusations de propos antisémites repris dans la chanson. Or aucun propos problématique ne figure dans le chant… Á moins qu’avoir du sang palestinien ne soit par nature antisémite ? Il est cocasse, du reste, de constater que Spotify prend ici clairement parti, alors que la plateforme avait assuré ne pas faire de politique lorsqu’il a été question de bannir Kanye West à la suite de ses propos pour le coup réellement antisémites.

L’acharnement contre Assaf

Ce n’est pas la première fois que le gagnant d’Arab Idol fait face à des difficultés de ce type. En 2020, il s’est vu interdire l’accès à Jérusalem-Est pour « divulgation de vidéos appelant à la lutte contre Israël ». Il a été nommé « ambassadeur de bonne volonté pour la paix » par l’UNRWA, ce qui lui a conféré un passeport diplomatique. Cela n’a pas été du goût de tous puisque Avi Dichter, ancien ministre israélien de la Sécurité intérieure, a affirmé négocier avec l’UNRWA afin de lui retirer ce statut. Le jeune chanteur n’a en outre jamais pu se produire dans son propre pays.

Une manœuvre révélatrice

Ce nouveau cas de censure doit être compris comme une tentative supplémentaire d’invisibiliser les Palestiniens et de faire taire leurs voix. Quotidiennement, des dizaines d’artistes, de sportifs, et d’intellectuels palestiniens se voient ostracisés. Interdictions de sortie du territoire, menaces, intimidations… C’est en fait et plus généralement la culture et l’identité palestiniennes qui sont visées, tant en ligne que partout ailleurs.

Top