Jamais une manifestation de solidarité avec la cause du peuple palestinien n’a rassemblé autant de monde à Bruxelles. Elle suscite donc des débats à la mesure de son succès . Nous réfutons cependant les critiques formulées dans la Carte blanche intitulée « Le pouvoir aux barbus ? Non merci ! ».
Lorsque les auteurs affirment d’emblée « qu’on ne peut passer sous silence les multiples dérapages constatés lors des récentes manifestations pro-palestiniennes », nous leur donnons raison. Des dérapages ont bien eu lieu et ont choqué beaucoup de manifestants. Il faut les dénoncer. Peut-on dire pour autant, comme les auteurs de la carte blanche, que « les organisations socioreligieuses musulmanes » donnaient essentiellement le ton ? Peut-on ainsi assimiler tous les manifestants issus de l’immigration maghrébine et turque à l’islamisme ? Ces amalgames véhiculés par cette carte blanche conduisent à stigmatiser l’ensemble de la communauté musulmane. Les auteurs prennent à leur compte la citation suivante de l’hebdomadaire français Marianne : « Des barbus occupent le pavé . tandis que les femmes voilées attendent à une rue de là, alignées comme à la parade. » Quel cliché ! Nos censeurs devraient se réjouir de ce qu’à Bruxelles les femmes voilées ou non manifestaient dans la rue. Pensent-ils que cette manifestation de plus de 30000 personnes selon la police, en réalité sans doute le double, puisse se réduire aux seuls islamistes ? Serait-il interdit aux femmes voilées et aux musulmans de manifester ? Le ton était donné très largement, malgré les dérapages, par les mots d’ordre officiels. Il est vrai que nous avons encore beaucoup de mal à prendre en compte la diversité de la société dans laquelle nous vivons ensemble. N’en déplaise aux signataires de la carte blanche, il y avait parmi les manifestants beaucoup plus de jeunes encore imberbes que de « barbus » et beaucoup de femmes de tout âge, à l’image précisément de la population bruxelloise.
La carte blanche dénonce « la touche très communautariste de la manifestation ». Le fait est que les communautés juives et arabo-musulmanes, comme on tend à les désigner, sont particulièrement touchées par ce conflit. Cependant, alors que la manifestation « pro-israélienne » du 7 janvier dernier devant l’ambassade d’Iran était convoquée par le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique, la manifestation « pro-palestinienne » l’était par un large ensemble d’organisations dont la grande majorité n’avait rien à voir avec la « communauté arabo-musulmane ». Il semble donc que « l’importation du conflit » et sa « communautarisation » sont moins gênantes lorsque l’opinion est largement pro-israélienne .