A propos des récentes prises de positions du Professeur Peter Beinart et de Avraham Burg

Le fait essentiel reste que l’Etat Israël est un Etat colonial dès 1948 et le reste aujourd’hui.

Sa fondation repose sur un triple malentendu.

Le premier, la Grande Bretagne régnant sur la Palestine saisit l’occasion de la réparation consécutive à l’Holocauste pour remplir ses engagements vis-à-vis du Conseil Juif Mondial de créer un Etat pour les Juifs. Ce projet reçoit le soutien inconditionnel de tous les Etats coloniaux qui formaient à l’époque la majorité au sein de l’A.G. des Nations Unies.

Le deuxième, Israël s’est construit en vendant sa propre politique sécuritaire comme essentielle à la sécurité des Occidentaux en s’alignant sur leur propre vision coloniale du Proche-Orient, du monde arabe et des Pays du Golfe.

La troisième, Israël, en faisant du sionisme l’unique projet fédérateur pour la communauté juive, s’engageait dans un processus qui dès le départ était en contradiction avec l’ensemble du corpus juridique autorisant sa création dans des frontières mal définies.

Aujourd’hui, ces trois malentendus participent directement à la fragilisation de cet Etat et les ultranationalistes qui ont fait main basse sur le gouvernement en sont conscients. Ils se sont donc empressés de foncer tête baissée en usant du subterfuge de lois ou de soutiens internationaux pour finaliser le caractère de nation exclusivement juive de l’Etat et l’accaparement de la Cisjordanie, de Jérusalem et du Golan. Ils accélèrent la politique de dépossession des terres appartenant aux Palestiniens et utilisent la force pour se débarrasser du plus grand nombre d’autochtones palestiniens.

Cet éloignement forcé des Palestiniens, commencé dès avant 1948 par les politiques de terreurs de la Haganah, fut un processus continu adopté sous de multiples formes et justifié par un paquet d’arguments aussi fallacieux les uns que les autres par tous les gouvernements israéliens. Cette politique connait aujourd’hui une recrudescence que l’on peut qualifier de nettoyage ethnique, ce que certains juristes apparentent au crime de génocide. Seule la résistance palestinienne en a retardé l’aboutissement à ce jour, ainsi que l’explique clairement Patrick Wolf.

Face à l’impunité dont bénéficie encore aujourd’hui le gouvernement israélien, et aux puissants liens qui unissent ce gouvernement aux grandes puissances, il est intéressant de lire les textes émanant tant d’intellectuels juifs américains, notamment Peter Beinart ou encore les déclarations de l’ancien président de la Knesset Avraham Burg, qui estiment que le statu quo actuel est intenable et risque de précipiter la fin de l’Etat Israël. Comme d’autres avant eux, je pense à Jef Halpers, ils proposent diverses formules alternatives pour sauver un foyer juif au Proche-Orient, dont l’Etat binational.

Le malentendu reste entier car si ces propositions émanent de personnalités, certes respectables, elles n’intègrent pas suffisamment les réactions et projets du peuple palestinien qui reste sous le joug d’un Etat pratiquant le colonialisme et l’apartheid à son encontre. Un Etat non souhaité par eux mais imposé par la force brutale avec le soutien sans failles de l’Occident.

Une minorité de juifs progressistes et anticolonialistes dénonce comme nous l’apartheid dont sont victimes les Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés. A l’exemple de mon ami Michel Warschawski, de l’AIC et de bien d’autres, ils soutiennent la résistance palestinienne et le mouvement BDS. Aux yeux de la majorité juive, ils sont considérés comme inciviques et accusés d’apporter leur soutien aux campagnes jugées porteuses de réactions antisémites. Ce sont des résistants courageux et visionnaires. Ils ont tendu la main aux Palestiniens pour leur apporter soutien et alliance dans l’action indispensable à la reconnaissance de l’autre. Ils et elles font plus que jamais l’objet d’attaques du gouvernement israélien qui tente notamment de les asphyxier financièrement.

Avec eux, aux côtés des Palestiniens, ce qui nous semble prioritaire c’est d’appeler et de travailler sans relâche au respect et à l’application du droit le plus fondamental de ce peuple : son droit à l’autodétermination (Rés.1514 XV de l’A.G. des N.U. 1960). Ce droit essentiel a été conquis après de longues luttes par les peuples colonisés du Grand Sud. Peuples esclaves et assujettis à l’apartheid par le colonisateur, peuples victimes de l’aliénation au nom de la soi-disant supériorité de la culture et de la religion de l’envahisseur. Peuples qui se révoltèrent contre les tentatives de les priver de leur droit fondamental à disposer d’eux-mêmes en les intégrant de gré ou de force sous forme de « territoires d’outre-mer » ou de « membres de la couronne ».

Il ne sert à rien d’élaborer depuis Londres, Washington ou Oslo des propositions dite de paix qui sont autant de plans tirés sur la comète alors que les Nations Unies ont, sur base du droit et des conventions internationales, clairement tracé la voie depuis que le peuple palestinien et son organisation représentative, l’OLP ont revendiqué l’application et le respect de leur autodétermination sur base des résolutions de la Haute Assemblée des N.U.

En tant qu’ABP, nous nous devons de renforcer notre soutien à la résistance palestinienne qui vise à mettre en échec la seule politique observable et condamnable du côté israélien, celle du colonialisme et de l’Apartheid, deux crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, la forme la plus dynamique de ce soutien est celle du BDS, lancé par la plus importante coalition de la société civile palestinienne.

C’est le moyen le plus efficace de combattre, avec les moyens qui sont les nôtres et qui sont parfaitement légitimes, les différentes formes d’injustices sociale, économique, raciale, culturelle exercées par un « Etat voyou » à l’encontre d’un autre peuple. C’est aussi une manière de nous coordonner pour interpeller et forcer nos gouvernements et les instances internationales en vue de mettre fin à l’impunité dont bénéficie Israël.

C’est notre devoir de citoyens soucieux de préserver le rôle essentiel du droit et des conventions internationales dans les rapports qui doivent assurer la coexistence pacifique, la coopération et la résolution des différends entre les nations et les peuples.

 

Pierre Galand
Président de l’ABP
Bruxelles le3/08/2020

 

P.S. En écrivant un tel texte, je dénie à quiconque le droit de me taxer d’antisémitisme car j’estime que ce même raisonnement est aussi valable pour tous les autres Etats coloniaux qui en occupent un autre en ce début du 21èmesiècle. Je pense tout particulièrement au peuple sahraoui victime de l’occupation militaire et de l’exploitation coloniale par le Maroc.

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