Ce vendredi 26 janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu sa décision intermédiaire dans la plainte sud-africaine contre Israël pour génocide. Elle estime qu’il existe un « risque sérieux de génocide » des Palestiniens à Gaza, et demande des mesures provisoires pour le prévenir. Elle ordonne, entre autres, aux autorités israéliennes d’empêcher son armée de commettre des actes génocidaires, de prévenir et sanctionner les incitations au génocide et d’autoriser pleinement l’accès de l’aide humanitaire aux civils. Le jugement de la Cour, qui constitue la plus haute autorité juridique internationale, est sans appel.
Ce jugement constitue une victoire retentissante du droit international. Il conforte la position de tous ceux qui ont porté courageusement dans le débat public la notion de génocide pour qualifier les massacres aujourd’hui perpétrés contre la population gazaouie. Il marque aussi la défaite morale de tous ceux qui ont cherché à qualifier cette accusation d’outrancière, relativisant par là-même la souffrance des Gazaoui.es et légitimant l’offensive meurtrière israélienne.
La décision sur le fond du dossier (y a-t-il un génocide ou non ?) n’est pas attendue avant plusieurs années. Comme de nombreux experts et organisation de défense des droits humains, dont la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’ABP estime pour sa part qu’un génocide est déjà en cours contre les Palestiniens de Gaza.
Mettre en oeuvre les décisions de la CIJ nécessite un cessez-le-feu
Même si les mesures conservatoires ne vont pas jusqu’à exiger explicitement un cessez-le-feu comme le demandait l’Afrique du Sud, il apparaît clairement que la protection de la vie des civils ne peut être assurée tant que les combats continuent. La Cour demande en effet explicitement à Israël et à son armée de prévenir les “meurtres” de Palestiniens ou leur “soumission intentionnelle à des conditions d’existence devant entraîner leur destruction physique totale ou partielle”. Il paraît en outre évident que la fin des bombardements israéliens constitue un préalable à l’exigence d’un accès à l’aide humanitaire sans entraves dans la bande de Gaza.
Alors que les autorités israéliennes avaient d’avance déclaré qu’elles n’avaliseraient pas le verdict de la Cour, celui-ci oblige la communauté internationale. Aux yeux de la Convention sur le risque de génocide de 1948, les États tiers, dont la Belgique, ont obligation de ne pas prendre le risque de contribuer au génocide à Gaza. Comme l’explique le procureur international Johann Soufi, « cette décision déclenche incontestablement l’obligation juridique des États, notamment des alliés d’Israël, de prendre des mesures / sanctions contre cet État pour prévenir le génocide. »
Vendredi dernier, la Belgique s’est engagée à soutenir les mesures conservatoires qui seraient décrétées par la Cour à l’issue de cette première étape, position qu’elle a réitérée aujourd’hui. « La clarté du soutien à l’intégralité des mesures qu’exige la CIJ est encourageante mais elle doit être suivie d’actes », souligne Gregory Mauzé, porte-parole de l’ABP. « La Belgique doit prendre des mesures pour qu’Israël respecte la décision de la Cour, notamment à travers des sanctions. Et par mesure de précaution pour éviter d’être complice de génocide, les différents niveaux de pouvoir doivent instaurer un embargo militaire immédiat intégral, y compris en annulant les licences d’exportation d’armes déjà octroyées. La Belgique doit en outre porter ces revendications au niveau de l’Union européenne, dont elle assure la présidence pour six mois».
« Il faut saluer le leadership moral de l’Afrique du Sud qui, par sa décision historique de porter à l’échelle internationale les valeurs universelles, réinvestit un terrain déserté par la plupart des pays occidentaux. Ceux-ci doivent par conséquent se conformer pleinement à ce jugement, sous peine de voir s’effondrer la notion même de droit international », déclare Pierre Galand, président de l’ABP.