De Cheikh Jarrah au Neguev, le nettoyage ethnique continue

Pas d’état de grâce pour le peuple palestinien en ce début d’année 2022. Deux développements récents témoignent en effet d’une accélération alarmante du processus de dépossession auquel il fait face, et ce de part et d’autre de la ligne d’armistice de 1948.

A Jérusalem-Est (occupée par Israël depuis 1967 et annexée illégalement en 1980), les autorités municipales ont ainsi démoli ce 19 janvier la maison de la famille Salhiya dans le quartier de Cheikh Jarrah. Ce secteur, hautement convoité par les colons radicaux qui entendent en exproprier 20 familles, avait été l’épicentre du soulèvement général des Palestiniens au printemps 2021. Présenté par Israël comme un simple différend immobilier privé, le cas de Cheikh Jarrah est révélateur d’une politique officielle qui vise à réduire la proportion de Palestiniens présents dans la ville et à isoler leurs quartiers les uns des autres et du reste de la Cisjordanie à travers l’établissement de colonies de peuplement israéliennes. Parallèlement, la municipalité de Jérusalem annonçait le 17 janvier un plan de construction de 1450 unités de logement, situées pour moitié en territoire occupé, qui contribuera à empêcher la contiguïté entre les zones palestiniennes de Jérusalem-Est et la ville de Bethléem.

La même logique caractérise les persécutions par le gouvernement israélien des Bédouins du désert du Neguev (Naqab en arabe) au sud d’Israël, cette fois avec le concours du Fond national juif (FNJ), un organisme parapublic qui joue un rôle majeur dans la politique d’Israël de dépossession et d’évincement des Palestiniens de leurs terres. Sous le séduisant et fallacieux prétexte de « faire fleurir le désert », le FNJ s’emploie à chasser ces populations et à les concentrer contre leur volonté dans des agglomérations prévues à cet effet, sortes de townships qui ne leur offrent aucune perspective de développement. De nombreux villages opportunément non reconnus par Israël ont ainsi été détruits pour satisfaire les plans du FNJ. Le lancement en ce début janvier d’une campagne de boisement sur les pâturages de la communauté bédouine d’al-Atrash a conduit à une révolte générale durement réprimée par la police.

Ces attaques simultanées contre les Palestiniens de Jérusalem-Est et du Neguev, de même que les déplacements forcés de population à Silwan, au sud d’Hébron ou encore dans la vallée du Jourdain, constituent différentes déclinaisons d’une même politique de nettoyage ethnique. Elles relèvent de l’apartheid selon de nombreuses ONG, dont B’Tselem (israélienne), Human Rights Watch (internationale), ou encore le CNCD-11.11.11 (belge).

La Belgique et l’UE ont condamné verbalement les événements en cours à Cheikh Jarrah. Leur silence en revanche est assourdissant sur les événements du Neguev. Leur responsabilité est pourtant engagée, plusieurs pays européens considérant le FNJ comme un organisme de charité pouvant recevoir des dons déductibles fiscalement, faisant ainsi du contribuable européen le complice involontaire de l’entreprise de dépossession des Palestiniens conduite par l’organisation. En Belgique, son statut d’ASBL lui permet en outre de bénéficier d’un taux d’imposition sur les legs réduit à 7% (au lieu de 25%).

« L’image des diplomates européens, solidaires mais impuissants, venus rencontrer les familles de Cheikh Jarrah menacées d’expulsion est là pour le rappeler : les paroles seules ne mettront pas fin à l’impunité d’Israël », souligne Pierre Galand, président de l’ABP. « Pis : l’inaction face aux ballons d’essais lancés à Cheikh Jarrah et dans le Neguev ne peut que le pousser à franchir d’autres lignes rouges ». L’ABP appelle dès lors la Chambre et le gouvernement fédéral à passer enfin de la parole aux actes face au nettoyage ethnique et au crime d’apartheid, comme le lui impose le droit international. Ceci implique de mettre en place des sanctions contre Israël et à oeuvrer à une riposte internationale conjointe comprenant notamment l’interdiction des produits des colonies, au niveau européen ou avec un groupe d’États susceptibles d’avancer sur ce dossier. Il convient également de mettre fin à l’agrément en tant qu’ASBL octroyé au FNJ, maillon-clé du colonialisme israélien et de la dépossession des Palestiniens.

Trois journées internationales d’action avec les Palestiniens face aux attaques auxquelles ils font face auront lieu du 28 au 30 janvier.

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