Des élections sous le signe de l’exclusion

« Comme une partie de football dans laquelle la droite juive et le centre gauche seraient les deux équipes et les Arabes le ballon. Tout le monde nous frappe et personne ne veut de nous.» Le Dr Thabet Abu Rass le résumait en ces termes dans les colonnes du quotidien Ha’aretz : la campagne pour le scrutin législatif du 9 avril 2019 fut en effet l’occasion de réaffirmer le statut au rabais des descendants des Palestiniens restés sur leurs terres en 1948. Conséquence : ceux-ci délaissèrent largement les urnes, au plus grand bénéfice du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Retour sur ce triste spectacle en trois actes.

Prélude : la Loi État-Nation

Adoptée en juillet 2018 par la Knesset, la loi sur l’État-Nation du peuple juif a permis de franchir le gué qui sépare un régime discriminatoire tacite d’une ethnocratie affirmée. De fait, en retirant à l’arabe son statut de langue officielle, en érigeant la colonisation en valeur fondamentale et en réservant le droit à l’autodétermination au seul peuple juif, elle consacre la citoyenneté de seconde zone des Palestiniens d’Israël dans laquelle les gouvernements successifs les ont cantonnés. Cette législation raciste aura contribué à les détourner davantage de la vie politique israélienne, tout en consolidant la base électorale de la coalition de droite et d’extrême droite.

Le spectre de « l’alliance avec les partis arabes »
 
La formation d’une alliance électorale centriste dirigée par le général à la retraite Benny Gantz, susceptible de détrôner Netanyahou, a conduit ce dernier à redoubler de démagogie. Son parti, le Likoud, axa ainsi toute sa campagne sur la polarisation entre l’équipe nationaliste qu’il incarne et une hypothétique coalition entre les formations qui représentent les intérêts des Arabes israéliens et le centre, improprement qualifié « de gauche » par Bibi (catégorie dans laquelle ce dernier classe désormais tous ses adversaires politiques, y compris… son rival d’extrême droite laïque Avigdor Liberman). Plutôt que de critiquer l’emploi d’un tel procédé qui contribue à délégitimer les Palestiniens d’Israël, le camp de Gantz préféra rejeter cette conjecture comme une accusation infamante.

Épilogue : l’affaire des caméras cachées

Alors que la victoire lui semblait acquise, Netanyahou choisit pourtant de mettre toutes les chances de son côté, et de réitérer la forfaiture à laquelle il s’était déjà livré lors des élections de 2015. Le jour du vote, il avait alors lancé sur les réseaux sociaux une alerte et appelé ses électeurs à aller de toute urgence voter pour contrer « les flots d’électeurs arabes se rendant aux urnes, conduits par des bus d’ONG de gauche » (une information montée de toutes pièces). Il passa cette fois au niveau supérieur, en envoyant 1400 militants du Likoud munis de caméras dans les bureaux de vote des quartiers arabes. Objectif affiché : surveiller les risques de fraude. But réel : mobiliser la droite, tout en intimidant les Palestiniens.

Bilan final de cette sordide campagne : une participation électorale des Palestiniens d’Israël à son plus bas depuis deux décennies (également minée par l’explosion du cartel des partis arabes en deux listes distinctes), et un nouveau palier franchi dans leur délégitimation.

Gregory Mauzé

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